Pour expliquer les relations hommes-chiens, on a longtemps tenté d’appliquer le modèle des meutes de loup à celui de la famille humains/chiens.
Selon ce modèle, l’humain devrait prendre la place de chef de meute ou de dominant afin de contrôler le chien et prévenir tout comportements débordants.
Malheureusement, cette façon de faire se base sur un postulat faux : celui d’une hiérarchie entre humain et chien comme on aurait dans une meute de loups.
Ce postulat ne peut pas fonctionner car il est biaisé à plusieurs niveaux :
Niveau 1 : Relations entre loups. Même les meutes de loup n’appliquent pas une hiérarchie linéaire comme on se l’imagine avec un mâle alpha au top de la hiérarchie comme on l’a longtemps cru. Les meutes non captives sont en réalité représentées par une famille avec un couple de parents et leur descendants jusqu’à l’âge de 2-3 ans. Le fonctionnement du groupe est basé sur la coopération, notamment pour les besoins de la chasse. Les jeunes émettent naturellement des comportement de soumission face à leurs parents. (1*)
Niveau 2 : Relations entre chiens, il existe des relations de dominants-soumis entre individus mais ces comportements se rencontrent entre : « dyades » c’est à dire entre 2 individus et il est rarement possible d’établir un modèle de hiérarchie linéaire entre tous les membres d’un groupe tant les relations entre chiens sont mouvantes et vont varier en fonction de contexte et des ressources en jeu. (2*)
Niveau 3 : Relations hommes – chiens. Il s’agit de ce qu’on appelle une relation interspécifique, c’est à dire entre 2 espèces différentes. Vouloir y intégrer une relation de dominance-soumission ne marche pas. Une hiérarchie permet de donner la priorité d’accès à tel ou tel individu du groupe à des ressources comme la reproduction, la nourriture, la jouissance du territoire, elle ne peut exister qu’entre individus de la même espèce, donc ne fonctionne pas entre chien et humains.
D’autant plus que de toute manière, l’humain contrôle déjà tous les aspects de la vie du chien, la nourriture, la reproduction, les lieux de vie et c’est cette relation particulière, presque symbiotique entre l’homme et le chien qui a permis les bases de la domestication. (3*)
Comment peut-on donc résumer au mieux la relation humain-chien ? Pour cela, on peut se rapprocher du concept de la balance des interactions. Il s’agit de prendre en compte la somme des interactions positives, négatives et neutres entre l’homme et l’animal. Cette somme va moduler la perception que l’animal a de l’homme (et réciproquement) et va ainsi construire la relation entre les individus. (4*)
(D’après 4*)
Sur quoi donc doit se baser l’éducation canine ?
Le concept de la dominance étant comme nous venons de le voir un concept inadapté pour expliquer la relation homme/chien, sur quoi doit donc se baser l’éducation de nos chiens ?
L’éducation traditionnelle se base en effet sur la volonté de remettre le chien à sa place de dominé. Cette technique s’est largement développée car l’idée que les chiens cherchent à dominer les hommes a servi de justification à tout et n’importe quel problème de comportement : chien qui détruit, chien qui aboie, qui fait pipi…
Avec la méthode traditionnelle, on punit les mauvais comportements des chiens (punitions physiques, verbales…) et éventuellement on renforce les bons comportements lorsque les chiens agissent bien.
Bien que cette méthode puisse s’avérer efficace dans certaines mesures, il faut bien retenir que l’usage de la punition (dite punition positive) n’est pas sans danger. De nombreuses études récentes (5*, 6*, 7*) ont en effet montré que l’usage de techniques coercitives diminue les capacités d’apprentissage des chiens et augmente au contraire l’agressivité et les risques de morsures.
Il faut désormais utiliser des méthodes qui respectent la balance des interactions et la font pencher vers le côté positif. Il faut abandonner les punitions et ne garder que le côté renfoncement positif. C’est pour cela qu’on parle « d’éducation positive ». Mais pour qualifier cette éducation respectueuse, on peut utiliser d’autres terme comme :
– éducation respectueuse,
– éducation bienveillante
– force free training en anglais
– …
Les grands principes de l’éducation canine positive :
Quelque soit le nom, les grands principes de l’éducation canine positive sont toujours les mêmes :
– Agir en amont, anticiper pour ne pas que le chien soit en situation d’agir mal et ainsi mettre le chien le plus suivant possible en position pour agir correctement.
– Encourager et féliciter tous les bons comportements (= renforcement positif)
– Rendre l’éducation fun et plaisante pour tous.
– Ne pas utiliser la punition positive
– Ignorer les mauvais comportements
– En cas de comportements indésirables, plusieurs stratégies peuvent être mises en place : punition négative, enseignement d’un comportement alternatif, travailler en contre-conditionnement. Le choix se fait en fonction de la situation.
Avec les techniques bienveillantes, on créé une vraie relation avec son chien, une relation basée sur la confiance et un lien fort. Le chien obéit pour les bonnes raisons et non pour éviter les réprimandes. Avec l’éducation positive, les problèmes comportements sont moins enclins à se développer qu’avec les méthodes traditionnelles (7*)
À partir d’aujourd’hui, il est donc indispensable de faire le saut dans l’éducation canine du futur : l’éducation canine bienveillante !
Références :
1* Van Kerkhove W. A fresh look at the wolf-pack theory of companion-animal dog social behavior. J. Appl. Anim. Welf. Sci. 2004;7(4):279-285.
2* Bradshaw JWS, Blackwell EJ, Casey RA. Dominance in dogs – useful construct or bad habit. J. Vet. Behav. 2009;4(3):135-144.
3* Coppinger RP, Coppinger L. Dogs: a new understanding of canine origin, behavior and evolution. University of Chicago Press, Chicago. 2001.
4* Titeux E, Péron F, Gilbert C. La relation homme-chien : nouvelles hypothèses. Le Point Vétérinaire. Juin 2013 N° 336.
5* Casey et al.Casey, Rachel A., Bethany Loftus, Christine Bolster, Gemma J. Richards, and Emily J. Blackwell. “Human directed aggression in domestic dogs (Canis familiaris): Occurrence in different contexts and risk factors.” Applied Animal Behaviour Science 152 (2014): 52-63.
6* Hiby, E. F., N. J. Rooney, and J. W. S. Bradshaw. “Dog training methods: their use, effectiveness and interaction with behaviour and welfare.” Animal Welfare 13, no. 1 (2004): 63-70
7* Blackwell, EJ., Twells C, Seawright A, and Casey R.A. “The relationship between training methods and the occurrence of behavior problems, as reported by owners, in a population of domestic dogs.” Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research 3, no. 5 (2008): 207-217
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